19h30 Avant-Scène
Lecture de poèmes persans par Manijeh Tam et Cécile Lentier de la Médiathèque de Créteil avec la musicienne Marjane Ravandi.
Musique persane avec le CRR Marcel Dadi sous la direction de Behkameh Izad.
J’étais une petite fille insouciante quand le chaos s’est installé en Iran en 1979. À la révolution succédait l’instauration de la République islamique. Avec violence, ses lois ont réduit les droits de toutes et de tous. Les femmes n’allaient plus occuper le même espace ni dans la société ni dans la ville. Elles ne pouvaient plus prétendre à certains métiers, étaient bridées sous l’autorité des hommes. Le voile a été imposé dans les écoles, même pour les petites filles forcées de chanter les louanges du nouveau régime. Nous étions deux filles dans la famille ; mes parents juraient contre cette absurdité et ont décidé de quitter l’Iran pour le bien de notre éducation ma soeur et moi, juste le temps que la mascarade prenne fin. Nous sommes restés en France. Mais le lien avec une terre d’origine et une culture ne se rompt jamais. Que serais-je devenue si j’avais grandi en Iran ? Comment aurais-je supporté le contrôle sur mon éducation, mes émotions, mon corps, mes amours, mes pensées, mes paroles, mes croyances… ? Aurais-je résisté ? Me serais-je enfermée et inventé des raisons pour continuer à vivre ? Où se serait située ma capacité à choisir ? Aurais-je su inventer une liberté ? Je ne le saurais jamais. Il me manque l’expérience du quotidien dans ce climat complexe de la société iranienne régi par les règles du régime de la République islamique.
C’est ce que Kiarostami dans « Ten », réalisé en 2002, nous donne à voir et à comprendre. Sa caméra intercepte les trajectoires intimes de l’existence de femmes iraniennes de classes sociales différentes et de différentes générations. Leurs paroles sont prononcées dans l’espace clos de la voiture, propice à la délivrance des mots, durant un trajet saisi du quotidien. Mais la réalité crue qu’il filme n’évince pas le déploiement d’une poésie propre à l’artiste mais aussi à la pensée iranienne. Il y a un jeu habile et doux entre ce qui est montré et ce qui ne l’est pas, entre ce qui est dit et ce qui ne l’est pas, entre le champ et le hors-champ. Cette poésie-là est une grammaire avec laquelle j’ai grandi. Aussi, quand Nicolas Liautard directeur des Théâtrales Charles Dullin m’a parlé du projet de produire l’adaptation théâtrale de « Ten » en persan en France, j’ai souhaité, comme une évidence, en être la metteuse en scène.
Le film présente dix séquences dialoguées, d’inégales durées, numérotées par ordre décroissant. Cinq femmes et un enfant viennent prendre place à côté de Mania, au volant d’une voiture. Les épisodes se déroulent sur plusieurs jours et se situent tous dans la voiture conduite par la jeune femme, mère d’un garçon de 10 ans. Mania est divorcée et remariée ; elle mène les conversations avec chacune des personnes qui s’installent dans sa voiture. Elle ne les connait pas toutes. C’est une habitude très fréquente en Iran de prendre des passagers inconnus sans pour autant être chauffeur de taxi. Les personnages sont Mania la conductrice, Amin, son fils, Mandana, sa soeur (sur la route de la maison de Mania), une vieille femme (sur le chemin du mausolée), une prostituée (la nuit, un temps durant son travail), une jeune femme (sur le chemin du mausolée) et enfin Roya, une amie de Mania (sur le chemin d’un restaurant).
Au-delà de la trajectoire personnelle de cinq femmes et de l’enfant Amin, l’oeuvre évoque les grands thèmes de l’existence humaine : la famille, la religion, la sexualité, l’éducation, l’amour, le langage. Les dix étapes de la vie des personnages pourraient aussi bien représenter la trajectoire mentale et émotionnelle d’une seule et unique femme.
Le théâtre offre lui-même un dispositif d’espace clos dans lequel public et acteurs sont placés. Il est comme un prolongement du huis-clos du véhicule dans la ville et une mise en abyme qui met en exergue le procédé lui-même au profit de la force des conversations, d’une lecture du chemin de l’existence de chacune des femmes et de l’appréhension au plus près de la réalité des personnages.
La caméra de Kiarostami offre des plans serrés sur les personnages assis dans le véhicule.
Le réalisateur choisit de nous montrer tantôt celle qui parle et tantôt celle qui écoute. La
particularité première sans doute, de l’espace théâtrale pour cette adaptation, est la possibilité de voir ce qui est caché, de voir le corps qui ne parle pas mais à qui l’adresse est faite, de voir l’absence, d’identifier le caché, de mesurer le trouble de la cohabitation entre l’hostilité de l’espace extérieur et l’accueil au sein de l’espace privé qui autorise la vulnérabilité et la parole libre. ( …) Guilda Chahverdi
Témoin privilégiée de l’évolution de la scène artistique contemporaine au Moyen Orient, Guilda Chahverdi est tout à la fois directrice artistique, metteuse en scène, commissaire d’exposition et maitre de conférence à Marseille.
->Dans la presse Guilda Chahverdi crée « Ten » : un émouvant plaidoyer féministe
Avant Scène 12.11 à 19h25 Lecture de poèmes en persan et français de Garous Abdolmalekian, et de Roja Chamankar. Une Lecture en persan par Manijeh Tan, directrice de l'association socio-culturelle des Iraniens en France / Val-de-Marne et en français par Cécile Lentier Responsable de l'équipe Promotion de la lecture et de la littérature à la Médiathèque Nelson Mandela, elles seront accompagnées par la musicienne Marjane Ravandi. Les musiciens et chanteurs, élèves du Conservatoire Marcel Dadi coordonnés par Behkameh Izad compléteront ce petit prologue au spectacle.
D'après Ten de Abbas Kiarostami (2002)
Mise en scène Guilda Chahverdi
Avec, Catayoune Ahmadi, Homayoun Fiamor, Simine Keramati, Mahsa Karampour, Toufan Manoutcheri, Sima Mobarakshahi
Scénographie, lumières Emeric Teste
Costumes Sara Bartesaghi-Gallo
Surtitrage Madokht Karampour
Régie Son Nathan Avot
Bande son Julie Rousse, Nathan Avot, Madokht Karampour
Catering: Magalie Nadaud
Production : Théâtrales Charles Dullin
Coproduction : Théâtre des Quartiers d'Ivry - CDN du Val-de-Marne / Créteil - Maison des Arts / Centre des bords de Marne- Le Perreux- sur- Marne / Théâtre-cinéma de Choisy-le-roi - scène conventionnée d’intérêt national art et création pour la diversité linguistique.
Résidences de création : Théâtre des quartiers d’Ivry CDN du Val de Marne / Théâtre-cinéma Paul Eluard de Choisy le Roi
Remerciements : Robert de profil / Ahmad Kiarostami Fondation Kiarostami
Le spectacle TEN a bénéficié de l’aide à la production mutualisée dispositif du conseil départemental du Val de Marne.
Repères,
Guilda Chahverdi
Comédienne et metteuse en scène franco-iranienne, formée à l’école Claude Mathieu et à l’école Jacques Lecoq, elle a joué sous la direction de Ma Fu Liang, Mikael Serre et Pierre Longuenesse, et au cinéma dans Terre et Cendres d’Atiq Rahimi (Cannes 2004). En 2001, elle se tourne vers la mise en scène avec Déserts, soutenu par la Ville de Paris, puis monte La Passion de Hallaj. Ses voyages en Asie centrale l’amènent à explorer les traditions orales, donnant lieu à des spectacles de contes comme ceux tirés du Livre des Rois (2003) et du Pavillon des Sept Princesses (2009).
Elle enseigne le théâtre à Kaboul en 2006, crée la compagnie Azdar et produit des pièces radiophoniques sur les violences familiales pour Radio Killid. De 2010 à 2013, elle dirige l’Institut français d’Afghanistan, avant de revenir en France pour mener une recherche en sciences humaines sur l’action culturelle en temps de guerre. En 2019-2020, elle est commissaire de l’exposition Kharmohra, l’Afghanistan au risque de l’art au Mucem. Elle a aussi été interprète dans Les Forteresses de Gurshad Shaheman en 2021-2022.
Toufan Manoutcheri
Née à Téhéran, en Iran, est arrivée en France à l’âge de 9 ans. Formée à l’École du théâtre de l’Épée de Bois à la Cartoucherie, elle fait ses premières armes de comédienne avec la Compagnie Jolie Môme, puis la troupe du Théâtre de l’Épée de Bois, sous la direction d’Antonio Diaz Florian. En 2019 elle est lauréate de aide à l’écriture de l’Association Beaumarchais SACD pour «Quand elle nous dansait...», seule en scène autobiographique. Aujourd’hui, Toufan prête régulièrement sa voix (Fictions Radio France, films d’animation, séries TV...), alterne les tournages et joue depuis 2020 dans Les poupées persanes d’Aïda Asgharzadeh, mis en scène par Régis Vallée (4 nominations, 2 Molières en 2022).
Sima Mobarakshahi
Actrice et dramaturge de formation et de pratique, Sima Mobarakshahi a fait ses études en Iran où elle obtenu sa licence et son master en théâtre. Elle a commencé sa carrière professionnelle dès l’âge de dix-neuf ans en tant qu’actrice dans le film Hors-jeu (2006) réalisé par Jafar Panahi. Parallèlement à ses études, elle s’est pleinement engagée dans une carrière théâtrale. Elle a été membre de la Compagnie Khaneh pendant plusieurs années. Elle a joué et mis en scène des spectacles tant sur les grandes scènes de la capitale iranienne que dans des espaces alternatifs. Elle a quitté l’Iran en 2018 pour s’installer à Bruxelles où elle reprend ses activités en tant qu’actrice et dramaturge.
Catayoune Ahmadi
Catayoune Ahmadi est comédienne et danseuse formée à la Martha Graham School de New York. Elle joue au cinéma dans Reading Lolita in Tehran d’Eran Riklis, Le Péché de Marie de Yassaman Afshar ; Swan de Lucas Spiroski ; Candide de Marie- Louise Gallet ; Roxanne de Vanya Chokrollahi.
Mahsa Karampour
Née en Iran, Mahsa Karampour vit en France depuis 2003. Diplômée de l’École de Lussas en Master de Réalisation, elle travaille depuis une dizaine d’années comme cinéaste et intervenante au sein des ateliers de réalisation. Elle a participé également à plusieurs projets en tant qu’actrice ou opératrice image et son.
Homayoun Fiamor
Homayoun Flamor est un comédien irano-togolais né en France. Il se forme avec la compagnie Malakoum en région Rhône-Alpes, puis au conservatoire du XVIIIe arrondissement de Paris de 2015 à 2018. Il participe au programme 1er Acte sous la direction de Stanislas Nordey entre Strasbourg (TNS), Grenoble (CCN) et Paris (Théâtre de la Colline) avec notamment comme professeur : Wajdi Mouawad et Véronique Nordey. Il participe également au dispositif d’égalité des chances de la MC93 avec des Master Class de Dieudonné Niangouna et Valérie Dreville. Il a récemment été à l’affiche du court métrage « La sirène se marie » de Achraf Ajraouiet et bientôt un autre de Kaveh Mazaheri.
Simine Keramati
Après avoir étudié le théâtre à Téhéran auprès de Shahriar Sadrolashrafi, Simine Keramati complète sa formation et obtient une licence de Théâtre à l’université d’Aix-Marseille. Elle travaille notamment avec Mohsin Taasha, Samaneh Latifi, Mahfam Nezhatshoar, Omid Dastanpour. Au cinéma elle travaille avec Amir Sharif, Ali Salahi, Behzad Nalbandi.
Création Novembre 2024.
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